1. Situation
C'est la seconde zone humide de France après la Camargue.
La superficie est d'environ 100 000 ha dont l'altitude est comprise entre 0 et 6 m.
Contrairement à la Hollande, aucun sol est à une altitude négative.
La moitié est en Vendée, un quart en deux Sèvres et un autre quart en Charente Maritime.
Le bassin versant, grand comme un département, est environ 7 fois plus vaste que le marais et majoritairement situé en Vendée.
2. Formation du marais
Pendant la dernière glaciation il y a 20 000 ans, le niveau des océans était 120 m plus bas.
Lors du réchauffement, la fusion des glaces continentales a fait monter ce niveau.
A la rencontre des eaux boueuses de la Sèvre Niortaise et de ses affluents avec l'eau salée marine, les argiles fluviales ont précipité pour former un sol en argile grise, appelé "bri".
Quand le niveau s'est stabilisé au tout début de l'époque romaine, la végétation a envahi ce sol avec des espèces caractéristiques des eaux plus ou moins saumâtres selon les époques, les saisons, et les marées. L'accumulation des débris végétaux en décomposition donne finalement un sol noir formé d'un complexe argilo-humique très fertile.
L'analyse des pollens permet de décrire précisément les différents climats successifs.
Vers l'an mil, la température du globe a augmenté considérablement.
Les récoltes plus abondantes ont entraîné une forte augmentation de la population. Pour la nourrir, on a décidé alors de défricher intensément les landes du bocage et d'assécher le marais poitevin.
La côte et la baie de l'Aiguillon sont toujours en évolution, voici la preuve sur 300 ans.
L'avant dernier trait blanc en bas montre que la pointe d'Arçay et La Faute n'existaient pas il y a seulement 3 siècles. Le courant côtier descendant y amène 300 000 m3 de sable par an !
Le marais poitevin actuel résulte de la conquête progressive et méthodique de cet espace occupant l'ancien Golfe des Pictons.
Le marécage naturel et sauvage est devenu une contrée très fertile au prix de travaux complexes et jamais achevés définitivement.
Dans le Marais Poitevin on distingue 4 types de paysages :
- Les terres "hautes" des îles : altitude inférieure à 20 m.
- La frange maritime : les prés salés, inondés aux grandes marées.
- Les marais desséchés sans arbres et réservés à la grande culture mécanisée.
- Les marais mouillés, inondables, sur une surface sillonnée de canaux.
3. Historique des travaux
3.1 Au temps de moines de 1050 à 1350.
L'objectif est de créer des terres agricoles propices à la culture du blé, l'aliment de base.
Pour assécher le marais, il a fallu le mettre à l'abri des fortes marées et des crues fluviales. Voici l'opération en 4 étapes :
La réalisation des digues et des canaux coûte cher. Aussi 5 abbayes du Poitou vont s'unir pour réaliser le projet : St Michel-en-l'Herm, Nieul-sur-l'Autise, Maillezais, L'Absie, St Maixent.
La "porte à flot" fut une invention remarquable (le plus vieux plan date de 1243). Le fonctionnement est automatique. Elle arrête la marée montante salée mais laisse sortir l'eau douce des canaux de dessèchement quand la marée est basse.
Vers 1300 on a creusé la Jeune-Autise pour relier Maillezais à la mer via la Sèvre.
Juste avant la guerre de Cent ans, la zone desséchée et mise en culture occupait 8 000 ha.
La montée des eaux due au réchauffement climatique, puis la désastreuse guerre de cent ans et la grande peste vont laisser à l'abandon les dessèchements créés par les abbayes.
3.2 Henri IV qui a longuement guerroyé dans ces contrées, a eu l'idée d'assécher ces marais abandonnés.
En 1599, il confie au hollandais Humphrey Bradley, la charge d'assécher tous les marais du Royaume avec exclusivité sur les revenus qui en découlent pendant 25 ans.
En Bas-Poitou, Bradley a seulement rétabli les canaux des moines, en évitant les autres projets estimés trop coûteux et dont la rentabilité était trop lointaine.
3.3 Louis XIII, nomme Pierre Siète, successeur de Bradley pour assécher les marais de l'Ouest. Cet ingénieur de La Rochelle multiplie les dessèchements les plus faciles (marais de Taugon-La Ronde rive gauche de la Sèvre Niortaise) et surtout en 1646, il crée la "Société du Petit Poitou" avec à sa tête un directeur, assisté d'un secrétaire-archiviste et d'un caissier-comptable, avec l'obligation de réunir une assemblée générale annuelle de tous les membres. C'est l'ancêtre de la loi de 1901 sur les associations !
Cette structure est pérenne puisque de nos jours il subsiste encore 41 "syndicats" des marais dont les statuts sont inspirés par ceux du Petit-Poitou !
Le directeur nomme un contremaître : le "maître des digues" qui dirige les divers travaux.
Pour créer une zone cultivable, il faut séparer le futur marais desséché de la zone "mouillée" en créant une "levée" ou "bot". Pour cela, on creuse deux canaux proches et parallèles.
La terre extraite forme un talus étanche entre les deux canaux.
Le canal intérieur au périmètre desséché va à la mer via une porte à flot. Le canal extérieur ou "contre-bot" va aussi à la mer ou dans la Sèvre et contribue à évacuer les eaux fluviales.
3.4 Louis XIV, verra le dessèchement du marais rive droite, le plus difficile à réaliser.
En effet la Vendée et l'Autise ont des crues redoutables car leur bassin versant est vaste et situé sur le sol imperméable de la gâtine vendéenne, schisteuse ou granitique.
Si le marais desséché de Vix- Maillezais est semé en blé, ce dernier va pourrir dès la première crue. Il faut donc séparer de façon étanche les eaux du canal de Vix servant au dessèchement d'avec les trois rivières : Vendée, Vieille Autise et canal de la Jeune Autise
Vers 1660, la solution fut trouvée par Blaise Pascal spécialiste d'hydraulique et actionnaire.
Le canal de Vix passe en siphon (au-dessous) de ces trois rivières, ici à Maillé.
De même au "gouffre" de l'Ile d'Elle, la Vendée se jette dans un bras de la Sèvre Niortaise juste après avoir croisé le canal de Vix en passant au-dessus.
Le problème de la séparation des eaux étant résolu, il ne reste plus qu'à mettre en culture ces sols devenus "agricoles". Jusqu'à la Révolution, les aménagements et les extensions complémentaires vont se succéder.
3.5 - Le 19ème siècle.
Napoléon, général d'infanterie, ne connaissait pas grand chose à la mer. Pour éviter la redoutable marine anglaise, Napoléon eut l'idée de favoriser la navigation fluviale et en particulier il décida une liaison de La Rochelle à Niort. Par le décret de Bayonne du 23/12/1808, il décide d'abord de rendre la Sèvre Niortaise navigable de Marans à Niort. Des méandres doivent être coupés et le gabarit des canaux et des écluses est codifié.
Puis le canal de La Rochelle à Marans sera creusé par des forçats pendant 70 ans.Hélas, à peine achevé, il fut concurrencé par le chemin de fer construit sur les déblais !
Pour que la ville de Fontenay-le comte ait son port, le gouffre de l'Ile d'Elle fut remanié.
Toute une série de travaux vont ensuite faciliter la navigation et l'écoulement général des eaux. En particulier les marais mouillés vont être sillonnés de canaux évacuateurs qui font actuellement le charme des balades en barque sur la "Venise Verte".
3.6 - Le 20° siècle.
Dans la baie de l'Aiguillon, on a poursuivi les "prises" à la mer sous forme de polders.
Vers 1970 autour de La Taillée, sous prétexte de remembrement, on a comblé le marais mouillé pour le transformer en vastes champs drainés. Cette opération ne pourrait plus se faire de nos jours en raison de la prise en compte des écosystèmes.
4. Maintenance
Les sols étant instables et très fertiles, tout se ligue contre les travaux de dessèchement !
Il en découle une lutte continuelle qui demande beaucoup de vigilance et d'énergie.
4.1- Stabilisation des berges par les plantations.
4.2 - Entretien des canaux :
Faucardage
Faucardage
Faucardeuse
Curage
4.3 - Surveillance :
Les huttiers logent dans une "hutte" sommaire sur la digue.
5. Mise en Culture
5.1 - Marais desséchés
Un nouveau marais desséché est partagé au prorata des apports financiers des investisseurs.
Un plan géométrique est adopté pour le réseau des canaux intérieurs de dessèchement.
Sur une surface d'environ 40-50 ha on installe un métayer dans une "cabane".
Le sol est ensuite sillonné d'une foule de minuscules canaux qui lui donnent un aspect "ondulé".
Depuis 1980, dans les grands champs du marais desséché, ces derniers petits canaux ont souvent été remplacés par un drainage souterrain moderne facilitant le travail des engins agricoles.
5.2 - Marais mouillés
Bien plus tardivement (à partir de 1840), de multiples canaux ont permis de faire s'écouler plus rapidement les eaux des crues.
Les parcelles entourées de fossés ont une petite surface et restent vouées à l'élevage ou bien à la culture maraîchère : ail, melon, haricots blancs…
Les "communaux" : situés entre plaine et marais desséchés, ils forment de grandes prairies inondables où des troupeaux paissent "en commun" d'avril à octobre.
Ces communaux résultent d'une antique tradition où les seigneurs propriétaires des marais toléraient que les paysans de la plaine viennent mettre leurs troupeaux à paître l'été dans les herbes et roseaux.
Les terrées ont pour objectif de produire du bois de chauffage et de clôture. Dans des parcelles inondables on a creusé une multitude de fossés parallèles de la largeur d'une barque. Des frênes sont plantés sur les rives. Tous les 6 ou 7 ans, l'hiver, on vient en bateau couper les branches. La taille répétée donne aux frênes une allure typique : le "têtard".
Ces terrées sont des écosystèmes très riches.
6. Gestion des niveaux d'eau
Le niveau des eaux dans les différents domaines est connu à quelques cm près !
C'est la DDE de Niort qui est chargée de la mesure et de la gestion des niveaux dans chaque zone du "puzzle".
Les marais liés aux rivières Lay et Vendée ont une gestion de niveau autonome, commandée depuis leurs barrages situés en amont.
6.1- Agriculture
L'hiver, l'eau est abondante et le marais mouillé est souvent inondé.
Les habitants du marais mouillé aimeraient bien envoyer ces eaux dans les vastes marais desséchés. Mais les cabaniers y sont hostiles pour ne pas noyer leurs blés. L'été le marais desséché est trop sec et les cabaniers voudraient de l'eau provenant du marais mouillé qui n'en a plus assez pour lui. Il en résulte des querelles homériques sur l'ouverture des "bondes" qui permettent des échanges d'eau au travers des levées.
Actuellement la culture rapporte davantage que l'élevage. En conséquence les pâturages sont massivement convertis en labourages comme le montrent les cartes suivantes.
6.2 - Navigation-tourisme
L'été, à la haute saison touristique, les bateliers souhaitent avoir beaucoup d'eau dans les canaux. Hélas les pompages et l'irrigation intenses font souvent baisser le niveau et craindre tant pour le tourisme que pour la pêche .
Sous la double pression des agriculteurs de la plaine et des professionnels du tourisme, on a cru trouver la solution en créant des "réserves de substitution". Ce sont d'immenses bassins de plaine qu'on remplit les mois d'hiver pour éviter les pompages d'été dans la nappe phréatique (le Dogger).
Hélas on ne les remplit pas avec l'eau abondante des crues mais avec l'eau de la nappe du Dogger. Au final, la nappe présente souvent au 1° juin le niveau qu'elle avait autrefois au 1° août, sauf cette année 2012 où la pluviométrie a été tardive et abondante.
7. Paysages
Le site du marais Poitevin est très touristique.
Le chemin cycliste de Vendée permet de le traverser en totalité à vitesse plus grande que celle des promenades en barque.
Cependant il faut se rappeler que les routes que l'on emprunte actuellement datent de 150 ans au maximum car sur un sol sans pierre, tout déplacement se faisait exclusivement sur l'eau.
On n'imagine pas la somme des travaux d'équipement en ponts et chaussées qu'il a fallu construire pour rendre ce marais accessible par la voie terrestre.
Le promeneur pourra encore rencontrer dans le marais quelques "bateaux à chaîne" pour traverser : conche, rigole ou fossé !
Abbaye de St Michel en l'Herm
Nieul-sur-l'Autise
Abbaye de Maillezais
Marais mouillé
Marais desséché
Ensemble autour de la Jeune-Autise
J'espère que cette présentation illustrée vous aidera à mieux comprendre combien cette contrée est le fruit du labeur obstiné des hommes.
Comme dit un guide touristique : "vaut le détour"… et le séjour aussi !
Pierre Gibaud